« Il suffit parfois de peu de choses pour que ces femmes se mettent en marche »

Sakife.

« Il suffit parfois de peu de choses pour que ces femmes se mettent en marche »

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Photographe depuis plus de 25 ans et créateur de l’asbl La boîte à images, Christophe Smets a initié un projet de photoreportage autour de la santé des femmes au Sud-Kivu et du travail du Docteur Mukwege. Les images nées des rencontres avec des dizaines de femmes composent l’exposition SAKIFE (santé des femmes au Kivu), qui passera prochainement par Louvain-la-Neuve. Entretien.

LC : Comment ce projet d’expo est-il né ?

C.S. : Au départ, il s’agissait d’un projet de reportage avec le journaliste Olivier le Bussy de La Libre Belgique et, en voyant toute la richesse des activités qui se déroulent au Kivu, notamment en lien avec le travail de Denis Mukwege, cela m’a donné envie de faire quelque chose de plus ambitieux. Plusieurs partenaires se sont mis autour de la table : des universités, des ONG… Ils ont contribué au projet de différentes manières et finalement, nous sommes parvenus à produire un livre et une exposition.

LC : Vous êtes allé au Sud-Kivu en février 2022. Quelles ont été vos impressions générales par rapport à cette région ?

C.S. : La première image, c’est vraiment une fourmilière. Cela grouille de partout et la pauvreté est malheureusement omniprésente. Mais j’y ai perçu également une forme de résilience. Lorsque les femmes prennent confiance en elles, de belles choses se réalisent et l’on voit naître une forme d’autonomisation, d’indépendance, de création. Quand elles sont en confiance, qu’elles se sentent soutenues, cela peut donner lieu à pas mal d’améliorations de leur situation, et une envie en elles aussi de susciter des vocations auprès d’autres femmes. Elles ne se sentent plus, alors, uniquement victimes. Il suffit parfois de peu de choses pour que ces femmes se mettent en marche.

LC : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

C.S. : L’extrême pauvreté. Une pauvreté qui est banales là-bas, mais qui est pour moi totalement inacceptable. C’est une pauvreté économique, mais aussi sociale et intellectuelle. Elle engendre tout un tas d’autres problèmes, qui se répercutent sur les femmes. C’est terrible pour un pays si riche en termes de sous-sol de ne pas parvenir à rendre cette richesse aux Congolaises. Il ne s’agit pas d’un Etat de droit, cela se sent dans tout ce que les gens racontent. La corruption y est récurrente et elle se répercute sur les plus faibles, les plus pauvres avant tout.

LC : Comment votre mission de photographe s’est-elle déroulée ?

C.S. : Très bien, car tout avait été bien préparé par les équipes sur place. Toutes les visites se sont faites dans les meilleures conditions et nous étions généralement accueillis à bras ouverts. C’est cela qui a permis de créer la diversité et richesse d’images que l’on retrouve dans l’exposition.

LC : Vous avez notamment découvert des projets de Louvain Coopération. Qu’en avez-vous pensé ?

C.S. : Personnellement, je me souviens avant tout des rencontres, des témoignages. Et j’ai été marqué par une femme, une jeune veuve, qui avait développé sa petite entreprise de pêche et qui faisait travailler des hommes. Il y avait chez elle et dans cet endroit quelque chose d’un peu magique. Et il y a eu aussi cette jeune pépiniériste. Elle avait 25 ans et déjà 5 enfants. Je lui ai demandé si ce n’était pas trop dur, et elle m’a répondu : l’Eglise nous dit que c’est la vie, que c’est important d’avoir des enfants. J’ai trouvé vraiment rude d’être dans ce système qui encourage une démographie galopante, mais malgré tout elle pouvait entreprendre. Parfois, une petite aide économique peut changer profondément la vie de ces femmes. Elle parvenait à faire vivre ses enfants et une lumière brillait dans ses yeux.

LC : Espérez-vous que votre expo permette de faire avancer les choses au Kivu ?

C.S. : Honnêtement, en lançant ce projet, je ne m’attendais pas à un tel succès. Je pense que le personnage de Mukwge crée en partie cet intérêt du public. De manière générale, est-ce que le travail d’un photographe change la perception du public sur une situation ? Oui et non, car il y a tellement d’outils de ce type, qu’on s’y noie un peu. Mon objectif était de créer cet objet et de sensibiliser à travers lui. Mais il appartient à chacun de s’en emparer ou pas. Il faut se rappeler que l’on apporte une goutte d’eau qui va grandir, faire son chemin et peut-être se noyer dans l’océan. Je pense qu’il faut rester réaliste par rapport à son impact.

LC : L’Exposition a été inaugurée en juin 2022 et a déjà voyagé depuis…

C.S. : Oui, elle est passée par Angers, ensuite le Musée BELvue, la Chambre des représentants à Bruxelles, l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, l’abbaye d’Orval, où elle est visible jusqu’au 12 mars. Elle ira ensuite au Québec, à l’Assemblée nationale, puis au Congo, au Centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa (notamment), mais également à Louvain-la-Neuve !

LC : Pour conclure, avez-vous des projets à venir ?

C.S. : Le projet SAKIFE m’a donné envie de faire quelque chose de plus ambitieux sur la santé maternelle dans le monde…

En savoir plus ou soutenir les actions de Louvain Coopération pour améliorer la santé des femmes : https://www.louvaincooperation.org/fr/sante-des-femmes

Sakif

Le 16 mai à 18h, nous vous convions au vernissage de l’expo "Santé des femmes au Kivu".

L'exposition sera visible du 17 mai au 23 juin. 

Info et inscriptions

 

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